études de cas
Le modèle du Chênelet, présenté par François Marty lors de la 5ème étape régionale - Learning Journey- des Pactes Locaux, Saint-Omer, le 9 janvier 2009.
1. Présentation de l’expérience.
Année de création : 1988
Implantation géographique : Nord Pas de Calais (France (62) en zone rurale.
Réponse à quels besoins ? Maraîchage bio, insertion sociale et professionnelle de personnes en difficulté, réponses alternatives, durables et non polluantes à la construction, logements sociaux écologiques.
Nombre de salariés : 140 salariés dont 85 Emplois Temps Plein en insertion.
F Marty présente son parcours personnel
C’est celui d’un gosse de banlieue qui quitte ses parents au plus tôt. Il est pris en mains par des moines. Son existence en est marquée. Il reçoit des pères abbés la compréhension des relations entre gouvernance et économie, ce qui fonde sa conviction que le problème c’est celui des fondamentalismes : qu’ils soient religieux, économico-financier, ou de gouvernance. Il est d’abord chauffeur routier, voit arriver les premiers réfugiés politiques, en 1979 à Calais, des Iraniens qui fuient la révolution de leur pays. Il achète un lieu isolé avec des dons et se rend compte que c’est une façon de couper, encore mieux, ces personnes de la vie sociale, alors que l’objectif c’est d’intégrer. Il fait le choix du second œuvre dans le bâtiment comme projet et se lance dans la construction de palette en bois.
Depuis 20 ans, le groupe Chênelet, installé près de Boulogne-sur-mer (62), est engagé dans l’insertion sociale et professionnelle. De la fabrication de palettes « atypiques », une activité pour laquelle il est aujourd’hui en position de leader, il s’est orienté vers la construction d’habitats sociaux écologiques pour prévenir « la précarité énergétique », tout en préservant l’environnement.
« Nous sommes 100 % insertion et 100 % économique », dit François Marty.
Les matériaux utilisés proviennent du territoire : argile des carrières du Boulonnais, bois des coupes d’éclaircie des forêts du Pas-de-Calais, sous-produits inévitables de l’industrie locale. Le projet trouve aujourd’hui son extension dans Chênelet construction, un réseau fondé autour du logement social sur le modèle du réseau Cocagne. 14 opérations d’éco-construction sociale, soit une centaine de maisons, ont été entreprises, dans le Centre, l’Île-de-France, le Nord-Pas-de-Calais.
3. Enseignements tirés d’une démarche :
« Nous revendiquons un vrai positionnement entre l’écologie, le logement social et l’entrepreneuriat ». « Au fil des années, nous avons mis en place une stratégie de groupe, avec tous les liens capitalistiques envisageables entre des structures aux fonctionnalités complémentaires et statuts fiscaux différents. Mais nous restons une entreprise d’économie sociale et solidaire » :
l’association Chênelet, vouée à encadrer les activités d’insertion de "début de parcours" sous forme d’atelier d’insertion et à mettre en oeuvre de nouvelles activités d’intérêt social et écologique : jardin de Cocagne, fabrication d’éco-matériaux, de mobilier écologique pour le jardin, culture de plantes sauvages.
l’association Chênelet Développement, chargée d’assurer la prospective sur ces nouveaux métiers souvent sous forme d’études de faisabilité, mais aussi d’assurer la transmission du savoir par la formation.
la Société Civile Immobilière (SCI) Chênelet Habitat, qui détient l’ensemble du patrimoine lié aux activités socio-économiques de chaque structure. La SCI est notamment maître d’ouvrage des logements sociaux en écoconstruction.
Les mêmes promoteurs sont à l’origine de « Scierie et palettes du littoral ». La Société SPL est constituée en Scop, avec statut d’entreprise d’insertion et d’entreprise solidaire. Elle développe aujourd’hui différents métiers : scierie, fabrique de palettes hors standard, transport et logistique et enfin, construction de maisons écologiques et d’éléments de construction en bois massif. Cette entreprise compte 120 personnes, dont 70 postes etp d’insertion. Les autres salariés sont les cadres et d’anciens emplois d’insertion devenus associés, soit 40 sociétaires de la SCOP en CDI. Elle forme aussi des conducteurs de machines semi-automatiques, des caristes, des chauffeurs routiers, des ouvriers polyvalents de production...
Il « existe un vide sidéral entre l’association et la société privée, pourtant, soit on est entrepreneur, soit on ne l’est pas ». Tel est le constat de François Marty quand il devient chef de cabinet du secrétaire d’Etat à l’économie solidaire Guy Hascoët en 2001. Dans la dispute française entre le social et le solidaire, son opinion c’est que : « le social c’est la noblesse d’une société qui corrige, le solidaire, c’est faire avec ». On doit à Martine Aubry alors ministre de l’emploi, dit-il, de ne plus pouvoir chercher directement des moyens européens parce que l’Etat les capte. On en prive les expériences de terrain, sans pouvoir autant savoir le dépenser. On se donne des normes (françaises) qui ne sont pas conformes aux directives européennes. On paye des amendes et en plus on est obligé de rendre de l’argent qu’on a pas su dépenser !!
Il faut quitter le défensif pour l’offensif. Trop de pionniers sont morts, ou se sont habitués au système, ou sont fatigués. Il a adhéré au MEDEF pour inventer un nouveau rapport de force. Il participe à la fondation de SYNESI (SYndicat National des Employeurs Spécifiques d’Insertion), créé en 2006 . Car l’Insertion par l’Activité Economique n’a pas le droit de dépasser 30 % de gains marchands. Les syndicats ne les défendent pas car ils sont déjà sortis du salariat. L’état, lui, voit augmenter le nombre de ceux qui n’ont pas de retraite (travailleurs pauvres) et se demande comment il va payer. La bagarre est engagée. « SYNESI a pour objet de regrouper les associations et autres personnes morales à but non lucratif, en vue de défendre leurs intérêts professionnels, d’assurer leur représentation et de conduire des négociations pour élaborer, avec les représentants des salariés, des accords nationaux, conventionnels ou salariaux, pour les personnels permanents et les personnels accompagnés dans un parcours socioprofessionnel, en particulier pour les Ateliers et Chantiers d’Insertion (A.C.I. »).
Pistes d’action :
« A–t-on encore à innover ? On a voulu corriger, on doit innover pour toute la société. Nous avons la responsabilité sociale d’entreprendre dans ces sociétés. Ce qui est en jeu, c’est entreprendre autrement pour de nouvelles solidarités. De ce point de vue, il ne s’agit pas de savoir ce que je vais entreprendre, mais comment je vais l’entreprendre. Et là, on tombe sur les clergés, les fondamentalismes. On s’empêche d’avancer, marche par marche, puisqu’il faut être pur ».
« Comment construire en France des réseaux efficaces ? Et développer des porte-feuilles d’alliances ».
À propos des différents modes économiques (privé, public, économie solidaire), François Marty note l’importance « de distinguer d’abord les trois mondes économiques pour pouvoir ensuite les faire travailler ensemble ».