études de cas

20 octobre 2009
Terre de Liens, France : l’accès au foncier
Atelier 7 Lux’09
Marc Barny

Présentation du Mouvement Terre de liens

L’association Terre de liens est née en 2003. Elle est aujourd’hui présente dans plusieurs régions : Rhône-Alpes, Ile-de-France, Auvergne, Limousin, Picardie, Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Bourgogne Franche-Comté, Bretagne, Nord-Pas-de-Calais et Normandie. Deux antennes sont en cours de création dans les régions Provence alpes côte d’Azur et Pays de la Loire. Elle est actuellement soutenue par les conseils régionaux de Rhône-Alpes, Ile-de-France, Auvergne, Limousin, Poitou-Charentes et Picardie. Autres partenaires : Diact préfecture région Auvergne, conseils généraux de la Drôme et de l’Essonne, Fonds social européen et la Fondation de France.

Afin de favoriser l’installation de petites structures qui prônent une agriculture durable et de proximité et afin de lutter contre la spéculation sur le foncier et l’agrandissement des plus grandes exploitations au détriment des petites, la nécessité de trouver une solution collective au problème d’accès au foncier s’est imposée à la fin des années 90. Inspirée par l’exemple de la banque verte néerlandaise « la Triodos Bank » qui a développé dès les années 80 un fonds vert qui permettait aux gens d’investir pour acheter des terres pour l’agriculture bio, cette réflexion s’est développée au sein de mouvements d’éducation populaire, de la finance solidaire, de l’agriculture biologique et bio dynamique et de la protection de l’environnement. L’association Terre de liens a été créée en 2003 et est devenue le creuset de la réflexion sur les réponses à apporter au problème de l’accès au foncier. L’objectif était d’aller plus loin que la solution des GFA (Groupements fonciers agricoles) ou des SCI (Sociétés civiles immobilières) qui restent des structures fragiles dans le temps, car si l’un des associés décide de se retirer, il met toute l’exploitation en péril.

Les missions de l’association Terre de liens sont :
-  concourir à la création d’activités rurales, écologiquement responsables et socialement solidaires par l’accompagnement des porteurs de projets et l’acquisition collective de foncier agricole et de bâtis ;

-  sensibiliser la société civile et interpeller les acteurs politiques, syndicaux et associatifs afin de replacer la gestion foncière au cœur de leurs préoccupations.

Pour développer son action, l’association Terre de liens a mis en place deux outils : un outil d’investissement solidaire, la Foncière Terre de liens, qui collecte de l’épargne pour acquérir des terres agricoles et les louer à des agriculteurs, et un outil de don, la Fondation Terre de liens. En cours de reconnaissance d’utilité publique, cette dernière pourra recueillir des dons de fermes et d’argent et dans l’attente un Fonds de Dotation a été crée en septembre 2009. Fonds reconnu d’intérêt général.

La Foncière Terre de liens : un outil d’investissement solidaire au service de l’agriculture

Née du constat de l’urgence à agir face à la disparition de terres agricoles et à la difficulté pour les agriculteurs de s’installer ou de transmettre leur ferme, la Foncière Terre de liens a été créée par l’association Terre de liens et la Société financière de la Nef en décembre 2006. Elle a pour objet l’acquisition, la prise à bail, la propriété, l’administration, la gestion de tous les biens mobiliers ou immobiliers en vue de favoriser l’accès solidaire au foncier.

Chaque jour en France, 160 hectares de terres disparaissent sous le béton et le bitume au profit de routes, centres commerciaux, parcs de loisirs, etc. (Indicateur agro environnemental -Artificialisation des espaces agricoles. Solagro, mars 2008). En 10 ans, l’équivalent d’un département de taille moyenne est ainsi soustrait à l’agriculture, à la forêt et aux espaces naturels. Outre le désastre écologique,
c’est aussi un problème humain et social. 200 fermes disparaissent chaque semaine en France, notamment faute de repreneurs, ceux-ci ne pouvant payer les prix de la terre à moins de s’endetter à vie, et encore.

Face à ce constat, le financement solidaire apporte sa réponse par la voie de la Foncière Terre de liens. Elle est une initiative utile et efficace pour lutter contre la disparition de fermes, pour sortir les terres agricoles de la spéculation foncière et pour aider les agriculteurs à s’installer ou à maintenir leur activité en leur enlevant le poids de l’acquisition du foncier.

La Foncière collecte de l’épargne solidaire auprès des citoyens (personnes physiques et morales) pour acquérir du foncier agricole. Propriétaire de ces terres, elle les loue à des agriculteurs biologiques, bio dynamiques ou en agriculture paysanne, via des baux ruraux environnementaux. Elle a ainsi déjà permis l’installation de 50 paysans sur 21 projets agricoles différents : maraîchage en biodynamie dans la Creuse, céréales bio pour un paysan-boulanger dans la Drôme, élevage bio en Isère, vignes en biodynamie dans le Jura... Une douzaine de fermes sont aujourd’hui également en cours d’acquisition partout en France grâce à cette première campagne d’appel public à l’épargne qui a réuni et mobilisé près de 3 500 actionnaires solidaires. Six millions et demi ont ainsi été collecté en 9 mois, la majorité du capital est le fait d’actionnaire médian, et non la propriété de quelques très gros actionnaires ni le fait d’une majorité de souscriptions symboliques. La moyenne d’âge des souscripteurs, montre aussi que la foncière concerne en majorité des personnes en activité ; les actionnaires de moins de 50 ans possèdent plus de 38% du capital et enfin 42% sont des femmes. Là aussi, la Foncière Terre de Liens se distingue nettement des produits financiers courants.

Le 28 octobre 2009 verra le lancement d’une nouvelle campagne d’épargne solidaire et citoyenne, l’autorité des marchés financiers ayant donné son visa pour une collecte de 6 millions d’euros.

Concrètement cette action sera accompagnée et articulée avec une forte mobilisation sur un deuxième axe autour d’une campagne d’adhésion à l’association pour les personnes qui souhaitent soutenir le mouvement et ses objectifs.

Un troisième axe grâce à la création du fonds de dotation sera également proposé pour pérenniser la vocation agricole des terres, assurer l’exemplarité de la gestion des biens reçus (éco ferme) et préserver l’environnement. Cet axe s’adresse à deux types de donateurs :
- donateurs en argent, motivés par le soutien au mouvement, par une réduction d’impôts, par l’intérêt d’orienter son impôt...
- donateurs en nature ; le mois dernier a la création de ce fond 17 dons potentiels de fermes étaient recensés un peu partout en France.

Les thèmes à enjeux pour Terre de liens

-  1 Question de la possibilité du stockage des terres agricoles (Deux possibles : on retire la terre du marché par un achat solidaire et collectif TdL ; ou Mesures politiques, zonages. Pour pérenniser la disponibilité de la terre agricole éviter l’ex de Roissy/ Charles de gaule et pour une politique agricole et alimentaire durable)

-  2 Création d’instances locales de veille sur le foncier agricole par rapport aux stratégies spéculatives (en Rhône alpes 2 outils : vigie foncia et commission municipale non obligatoire)

-  3 Modification des règles d’urbanisme actuelles, les documents existants ne sont pas adaptés aux défis de société et même les programmes gouvernementaux sont bloqués par la tendance majoritaire de la profession.

-  4 Création d’une banque éthique européenne

-  5 Lien européen ? Quel(s) dépassement(s) des frontières vis à vis des sollicitations ? Quelles résistances intercontinentales face au « landgrabbing », l’accaparement des terres par des nations ou des entreprises ?

-  6 Limites et encadrement de la gestion du bâti, des biens immobiliers et/ou limites d’interventions de Terre de Liens dans des projets sans terre tels les habitats groupés écologiques : éco hameau, éco village, éco centre …

-  7 Poursuivre une réflexion toujours plus approfondie sur la gestion de la terre à partir des consommateurs et des dispositifs de distribution (rapprocher les sites de production et les bassins de consommation tant par rapport au produit fini que l’analyse de la plus grande autonomie énergétique de chaque site). Dans ce cadre des groupes locaux se constituent dans des villages, s’organisent et vont à la rencontre des agriculteurs conventionnels pour partager, soumettre et réfléchir à l’articulation besoin/ offre et au processus de transformation nécessaire pour harmoniser des pratiques soutenables.

Marc BARNY le 20/10/2009