études de cas
Le contexte
La municipalité de Saint-Adelphe compte une population de 1 034 personnes et fait partie de la municipalité régionale de comité (MRC) de Mékinac, qui regroupe 10 municipalités de 300 à 4 000 citoyens et citoyennes. La MRC se compose essentiellement de territoires forestiers et agricoles et vit un problème de dévitalisation dû au manque d’emploi et au déficit démographique. La municipalité de Saint-Adelphe compte quatre industries principales, en plus de l’agriculture et de la forêt. Elle dispose d’un atout majeur, soit le potentiel touristique avec un des plus beaux paysages de la région. Malgré cela, Saint-Adelphe doit relever le défi de la rétention de ces citoyens et citoyennes en conservant des services de proximité. En effet, depuis 2005 on ne trouve dans la municipalité qu’une petite épicerie, une station-service à essence et un garage.
En 2005, les citoyens de Saint-Adelphe ont décidé de réagir avant qu’il ne soit trop tard. Une réelle volonté du milieu a permis de mobiliser les énergies nécessaires à l’élaboration d’un projet que l’on pouvait qualifier d’audacieux. La corporation de développement économique local organisation une rencontre afin de réfléchir sur les possibilités de développement de la municipalité. Une trentaine de personnes, dont les élus locaux, les entrepreneurs, les organisations publiques et les citoyens ont identifié un projet porteur et rassembleur. Il s’agissait d’une coopérative qui exploiterait deux commerces de base dans la communauté, soit une épicerie et une quincaillerie.
Le projet
Un comité a été créé afin de définir les grandes lignes du projet. Les membres de la communauté avaient identifié la formule coopérative de solidarité pour exploiter l’entreprise. Avec le soutien du Centre local de développement, ils ont alors structuré le projet et découvert ce qu’était l’économie sociale. À partir de ce moment, plusieurs portes s’ouvraient. En effet, le principe d’association était tout à fait nouveau pour les membres et représentait clairement un modèle adapté de prise en charge par le milieu et dont les intérêts premiers étaient basés sur la qualité des services pour la collectivité. Le but de cette démarche était en effet d’augmenter le niveau d’activités économiques de la municipalité et d’y amener de nouveaux résidents.
La Coop du coin représentait la construction d’un nouveau bâtiment où l’on retrouverait l’épicerie, la quincaillerie et la station d’essence. Le bâtiment est géré par la coopérative de solidarité et la gestion des entreprises qui l’occupent par une autre coopérative déjà existante, la Coop plus. Ce partenariat « coop-coop » était une formule gagnante. Plutôt que s’improviser épicier et quincaillier, les citoyens préféraient confier les opérations à une entreprise déjà bien implantée.
Dès le début du projet, la municipalité de Saint-Adelphe a fait le choix de s’impliquer activement dans ce rêve collectif. D’autres appuis significatifs tels que la Caisse populaire, l’épicier et la Conférence régionale des élus de la Mauricie ont permis la concrétisation de la coopérative.
L’implication citoyenne
Un projet tel que la Coop du coin nécessite une grande implication et un engagement de la communauté. C’est pourquoi de multiples démarches ont été entreprises afin de persuader les résidents de Saint-Adelphe de d’impliquer. Les citoyens ont donc été visités un à un afin de leur expliquer le projet. Ainsi, les membres influents de la communauté se sont ralliés au projet et de bouche en oreille 260 membres ont achetés leur part sociale de 250 $. C’est donc 25 % des citoyens qui étaient membres avant même que la première pelletée de terre ait lieu.
Les défis
Le principal défi et obstacle du projet a été la recherche de financement. La construction de la coopérative nécessitait un investissement de plus de 700 000 $. D’innombrables rencontres ont été faites pour convaincre les intervenants du bien-fondé de la démarche et de l’importance d’appuyer un tel projet. Un projet unique, car il est exclusivement porté par les gens du milieu et qu’aucun promoteur à but lucratif n’y ait impliqués. Un projet 100 % collectif et coopératif.
Les résultats La Coop du coin a ouvert ses portes en juin 2008 et dépasse largement le rêve de départ. On y retrouve non seulement l’épicerie et la quincaillerie, mais également une boucherie, un comptoir de mets cuisinés, un service de location vidéo, un comptoir de la Société des alcools du Québec (SAQ).
Les gens de Saint-Adelphe ont fait preuve d’imagination en développant un concept novateur par l’arrimage de deux coopératives. Le principe « coop-coop » a permis d’obtenir des appuis dans un contexte de dévitalisation d’une communauté où le modèle économique traditionnel ne fonctionne plus. Les gens de la municipalité sont fiers d’appartenir à une coopérative à leur image. D’ailleurs, l’adhésion des membres ne cesse d’augmenter et dépasse maintenant les 300 membres.
La vie à Saint-Adelphe a changé et les citoyens ont vraiment le sentiment d’avoir renversé la situation par leur mobilisation et leur esprit coopératif. Les gens de Saint-Adelphe se sont engagés à promouvoir leur expérience partout où les communautés voudraient s’en inspirer. Comme ils le disent eux-mêmes : « Les ingrédients essentiels d’une telle réussite que la Coop du coin de Saint-Adelphe c’est de la volonté, des gens dynamiques, des organismes d’aide au développement, des partenaires financiers et beaucoup, beaucoup de travail… »
Enjeux et perspectives
La Coop du coin est ouverte depuis presqu’un an et on constate que le projet répondait à un besoin réel. Le défi maintenant, est d’accroître le nombre de membres et de rentabiliser l’entreprise. Pour la municipalité, la problématique de la dévitalisation est toujours présente. La Coop du coin est un point de départ, mais il faut que des emplois soient disponibles dans la région pour que les citoyens demeurent à Saint-Adelphe et que de nouvelles familles viennent s’y installer. Le potentiel touristique est aussi un atout de la région qu’il faut exploiter. Déjà la présence de la Coop du coin joue un rôle positif. En effet, Saint-Adelphe est au cœur d’un circuit de motoneige l’hiver et l’été les plaisanciers se retrouvent sur la rivière Batiscan. Les touristes consomment donc localement en passant à la Coop du coin pour acheter un café, une bouteille de vin, mettre de l’essence. C’est toute la communauté qui en profite, car la Coop du coin, c’est leur entreprise.
Pour tout projet de ce genre la présence d’acteurs mobilisateurs et rassembleurs est essentiel. Dans le cas de la Coop du coin, le président de la coopérative et le maire de Saint-Adelphe ont joué un rôle majeur. Il faut maintenant espérer qu’ils poursuivront leur implication et que d’autres prendront la relève. Il peut être périlleux qu’un tel projet soit porté par quelques individus. Leur départ ou désengagement pouvant mettre fin au projet. Saint-Adelphe doit maintenir cet engouement et la coopération qui s’est manifestée autour de la Coop du coin.
Lynn O’Cain, directrice générale lynn.ocain@cresmauricie.ca