études de cas

avril 2009
Le projet d’écocollectivité de la Municipalité régionale de Conté de Pierre de Saurel, Québec
Atelier 7 Lux’09
René Lachapelle

Le contexte : une collectivité en crise

La collectivité de Pierre-De Saurel est une municipalité régionale de comté (MRC) de 600 km2 dont le centre est une agglomération urbaine de 41 000 habitants et la périphérie rurale compte 9 000 habitants. Des années 1940 aux années 1980, la construction navale a assuré la prospérité de la collectivité et attiré de grandes industries en métallurgie. De 1980 à 2000, une sévère crise manufacturière a provoqué la perte de plus de la moitié des emplois industriels. Pour affronter le choc, les acteurs locaux ont appris à concerter leurs efforts. La SADC a été mise en place dans le cadre du Programme de développement des collectivités du gouvernement canadien à la fin des années 1980. Au tournant des années 2000, la SADC soutenue par le gouvernement du Canada, le Centre local de développement (CLD) soutenu par le gouvernement du Québec et les élus constituant le conseil de la MRC ont préparé un plan commun de redressement axé sur le développement durable. L’année 2009 sera l’occasion du second renouvellement de ce plan stratégique. La volonté locale est d’en faire une démarche pour construire l’écocollectivité de Pierre-De Saurel. Ce choix mise sur l’expertise locale d’action concertée pour le développement, mais aussi sur l’expertise en développement durable acquise par les partenaires dans la démarche d’Agenda 21 local entreprise depuis 2005 par la ville de Sorel-Tracy (http://www.ville.sorel.qc.ca/Data/p...).

Le projet : de la planification stratégique au développement durable

Au cours des cinq dernières années, des chantiers de développement à portée écologique ont été expérimentés. En agriculture les projets visent la restauration des milieux humides et le reboisement des berges, le rétablissement du couvert forestier, le recours à des méthodes de production protégeant la couche de terre arable, la réduction des besoins énergétiques, etc. Dans le secteur manufacturier, on privilégie le transfert technologique en écologie industrielle, les productions innovantes au service de l’écologie (par exemple la production d’un nouveau modèle d’éoliennes domestiques silencieuses), la réduction des diverses formes de pollution en sidérurgie et la transformation des résidus en matériaux primaires pour de nouvelles productions, etc. Sur le plan social, la revitalisation des vieux quartiers et des collectivités rurales dévitalisées passe par le développement de services de proximité (coopérative de solidarité en alimentation, coopérative de santé, centres de la petite enfance, etc.), l’accroissement du logement social répondant à des normes élevées d’économie d’énergie, le transport collectif, etc. La collectivité s’est aussi donné un Plan de gestion des matières résiduelles qui vise le compostage de 75 % des déchets domestiques. Déjà une entreprise d’économie sociale permet la réutilisation de 1 500 tonnes de vêtements et d’électroménagers et un projet d’écocentre pour le recyclage de plusieurs tonnes de résidus et de matières recyclables est en développement.
La démarche qui s’amorce en 2009 vise à intégrer les divers projets dans la visée collective d’une écocollectivité. Les acteurs collectifs sont déjà engagés dans des chantiers de concertation pour y arriver. La région étant en crise depuis trois décennies a appris à mettre en place des alternatives dont il s’agit maintenant de faire un levier pour l’avenir. Le volet à développer demeure la mobilisation de la population pour l’associer aux décisions à prendre et à leur mise en œuvre.

Acquis et défis

Réaliser un développement durable exige des actions qui ne sont pas toujours évidentes. Les années d’efforts permettent maintenant de compter sur des expertises, mais nous avons aussi identifié des limites, les principales tenant à des enjeux financiers bien sûr, mais surtout à des contraintes économiques, politiques et démocratiques. Au niveau économique, les acteurs locaux –entreprises privées, institutions publiques, associations citoyennes– partagent un cheminement collectif garant d’un engagement à faire des choix en fonction du développement durable. Néanmoins, il s’en trouve qui souhaitent freiner les investissements qu’ils considèrent encore comme de simples dépenses. La période de récession renforce ces points de vue de résistance alors que d’autres y voient une occasion de prendre le virage.
Sur le plan politique, les choix des élus locaux sont déterminants. Or la gestion municipale s’est modelée aux façons de faire de la période de croissance de l’activité économique. Plusieurs élus sont mal préparés au nouveau paradigme du développement durable. De plus les politiques nationales, tant canadiennes que québécoises, ne leur offrent pas un soutien convenable ni sur le plan financier ni sur le plan réglementaire. Jusqu’à maintenant en Amérique du Nord, le développement durable est davantage de l’ordre des énoncés de principes que des pratiques. Malgré tout, la région peut compter sur un solide noyau d’élus locaux convaincus de la pertinence du changement de modèle.
Pour leur donner un rapport de force convenable, la mobilisation de la population et la participation citoyenne aux décisions peuvent faire toute la différence. Ce sont les citoyennes et citoyens qui peuvent mettre sur les élus la pression requise pour que les bons choix soient faits.

La participation comme enjeu pour une autre économie

Dans le cadre des planifications stratégiques, les acteurs locaux de l’économie sociale et solidaire se sont bâti une réputation d’efficacité et d’engagement. Le réseau local d’entreprises d’économie sociale compte une quarantaine d’entreprises de type coopératif ou associatif actives dans la production métallurgique, les services d’affaires, l’épargne, l’environnement, les services de proximité, l’alimentation, l’habitation, la culture, les loisirs, etc. Le mouvement associatif compte plus de soixante organismes actifs sur le front des services sociaux, de l’entraide et de la défense des droits. Ces entreprises et associations sont fédérées localement et à l’échelle nationale. En plus d’employer des personnes salariées dont l’expertise favorise le développement de projets, ces organismes sont des lieux de participation pour des centaines de citoyens et citoyennes. Ce réseau bénéficie d’un soutien actif des organismes de développement économique et de développement social. Le secteur de l’économie sociale et solidaire est le levier pour élargir la participation des citoyennes et citoyens à l’élaboration et surtout à la mise en œuvre du projet d’écocollectivité. Le prochain test des partenaires du développement sera la tenue des élections municipales à l’automne 2009, une occasion de faire la preuve de leur efficacité en regard du projet d’écocollectivité et d’interpeler les élus à relever le défi.