études de cas
Actions présentées:Questions clés
« Quelles actions culturelles et éducatives les habitants d’un quartier peuvent-ils créer pour réinvestir l’espace public local ». Atelier 3, animé par les promoteurs des associations Kaloumba et Nuevo Concepto Latino - 18 novembre matin.
Eléments descriptifs
Leyla Guzman présente Nuevo Concepto Latino. L’initiative existe depuis plusieurs années avant de se formaliser sous statut associatif en février 2007. Son but est la promotion de la culture latino-américaine. Elle-même est arrivée en France à l’âge de 12 ans, accueillie par des prêtres ouvriers de Fontenay sous Bois, dans les années 70. Comment ne pas perdre ses racines sans tomber dans le communautarisme ? Dans l’histoire latino, il y a l’esclavage, les métissages, la musique en est une des expressions de ce mélange. L’association continue d’accueillir des réfugiés politiques, elle propose la fabrication d’objets, liés à la culture, aux enfants, elle vend des spectacles, organise des expositions. Exemple de photos d’enfants « Entre les deux, mon cœur balance », après un voyage où réside le père d’un enfant résidant à Fontenay sous Bois.
Comment l’interculturalité peut-elle être facteur de paix ? Au début, le besoin existait de parler de cette époque. La municipalité accueille l’initiative à la Maison des citoyens. Puis NCL adhère à Equitess « pour apprendre ». Elle ne connaît guère le montage des dossiers de sub ventions. Son activité est hébergée dans le locaux de Terroir du Monde, en l’attente d’un local, projet commun à plusieurs associations culturelles des Larris, qui serait un lieu de mémoire et de ressources. L’association embauche un salarié, tous les autres sont bénévoles.
Vincent Louis et Emmanuel Brun présentent l’association Kaloumba. Ça ne veut rien dire au départ, jusqu’à ce qu’en cherchant, ils découvrent que c’est le nom d’un village du Mali et que ça veuille dire la ficelle qui retient le cerf-volant en grec.
L’activité de Kaloumba consiste à rechercher d’anciens jeux du monde, leurs règles du jeu, puis à les fabriquer (voire les vendre) avec du bois de récup. C’est un outil pédagogique. Le jeu invite à autre chose que la console de jeux électroniques, il met en relations, il apprend à se calmer, à coopérer, avec des règles du jeu. Il symbolise la vie. Dans ces différents jeux, tout le monde est mis à égalité, des aptitudes spécifiques sont révélées. C’est un apprentissage des relations, tout public, des maisons de retraite jusqu’aux écoles ou aux jardins d’enfant. Des actions locales sont proposées dans la commune et celles des environs, sous forme de prestations dont la facturation peut varier avec les ressources du demandeur. Le ludobus va au-devant des gens.L’association dispose depuis deux ans d’un local (des « mètres carrés sociaux »), au rez-de-chaussée d’un immeuble du quartier des Larris. Se poser quelque part a « bousculé la stratégie d’aller au-devant ». Mais il permet d’élargir la gamme des possibilités. Il est ouvert le mercredi et le samedi ou le jeudi soir, quand rien de nécessaire n’occupe les gens.Le local abrite un atelier bois. La fabrication de jeux permet d’initier à faire par soi-même.Les jeux redécouverts sont mis en ligne sur le net pour les populariser. Aucun monopole donc.
Quelle économie l’action génère-t-elle ?
L’association Nuevo Concepto Latino embauche un salarié, tous les autres sont bénévoles.
L’association Kaloumba fonctionne avec une mise à disposition de son local, des subventions, des emplois aidés. Elle vend des prestations éducatives, fabrique et vend des jeux en bois. La municipalité de Fontenay sous Bois admet que ces activités font partie de la vie de la ville et que ces activités génèrent des emplois. Kaloumba réfléchit à comment augmenter son autofinancement. Produire et vendre de jeux, pas pour distribuer des bénéfices, mais pour créer un troisième emploi, par exemple ?
Dans les deux cas, les promoteurs de ces initiatives culturelles et éducatives faisaient de l’économie solidaire sans le savoir. Ils découvrent le sens des concepts et leur portée, en adhérant à Equitess.
Géraldine Lechevalier pose la question de l’économique : « que voulez-vous que ça devienne ». « Vendre à qui ? » L’objet social est singulier, dédié aux habitants de ce quartier ? « Comment créer un échange économique autour d’une initiative située, clairement, dans le social ? ». « Faut-il souhaiter se développer ou rechercher un juste équilibre ? ».
Kaloumba
Vincent et Emmanuel ont deux visions un peu différentes. La concurrence, au sens de « tirer les prix pour être concurrentiel », n’est pas dans leur logique. « On ne s’est pas dit, dans dix ans, on veut être dix salariés ». Mais il est nécessaire d’anticiper la baisse prévisible des subventions et se mettre en conditions de durer. L’un d’eux voit plus cette situation comme une contrainte imposée (ne pas devenir esclave des subventions), l’autre comme une opportunité de franchir un cap pour promouvoir les buts de l’association. « Oui, il faut se développer, ce sont des étapes de croissance, à porter de l’intérieur du projet ». Ils auraient pu faire le choix de devenir une entreprise privée. Ils ne l’ont pas voulu. Leur investissement immatériel initial c’est leur temps (indemnisés par l’ASSEDIC, ou le bénévolat, ou les petits boulots en plus ou à côté…).
Aujourd’hui l’outil qu’ils ont en main est le moyen par lequel ils entendent maintenir la dimension sociale de leur projet, tout en espérant en vivre, quand le contrat aidé s’arrêtera, voire augmenter leur nombre si le volume d’activité le permet. « On croît au fil des rencontres et au rythme des personnes qui s’agrègent »
Nuevo Concepto Latino.
Leyla a commencé NCL sans rien gagner, mais envisage maintenant de devenir indépendante. Et elle a besoin, tout simplement, de gagner sa vie par son activité. De ce point de vue, l’économie solidaire constitue un apprentis- sage de ces réalités, pour trouver son positionnement. Et pense que « se développer, c’est donner l’exemple pour que ce soit repris ailleurs ».Conclusions sur ce point :La différence entre croître pour croître, et se développer à un rythme choisi, c’est le temps donné au temps qui permet de régénérer des relations humaines fondamentales, dans un contexte difficile : décider de vivre là où on habite quand on n’a pas choisi d’y venir ; trouver comment inscrire son projet de vie dans un quartier où on a grandi et à qui on a envie d’apporter quelque chose en retour.
L’action a-t-elle augmenté le pouvoir et la responsabilité dans les solutions mises en oeuvre ?
Comment s’adosser les uns aux autres fait-il grandir ?L’envie de regrouper les associations du quartier tient à l’envie de Jean-Philippe Gautrais, lui-même enfant du quartier des Larris. « On a commencé à discuter à une 30ne d’associations, 8 sont devenues fondatrices. Ce rapprochement a défini un but commun : améliorer la vie du quartier, chaque association avec ses propres outils. La grande distribution a cassé les petites commerces au Larris. Ce sont autant de lieux de moins où se parler ».
Vincent et Emmanuel ont grandi aux Larris. Leyla y est arrivée à l’âge de 12 ans. Ils ont envie d’ « accompagner les habitants à ressentir que c’est leur place et leur vie au quotidien, ici ».« S’associer dans le Collectif Equitess a beaucoup aidé. C’était un pari, qui paraissait fou au départ ; revitaliser un quartier en ouvrant une boutique de commerce équitable ! « L’expertise a été importante pour dire que c’est possible, elle a débouché sur l’embauche d’un animateur, Joël. Avec lui, on se forme au quotidien ». « Nous les artistes, on n’a pas toujours les pieds sur terre, le regard extérieur de l’animateur et celui des autres permet de partager les points de vue ».« On s’appuie, sans devenir dépendants. Chacun peut être à fond dans son projet, ensemble on est mieux crédible pour les institutions
Comment faire passe le message aux institutionnels, trouver les mots pour entrer dans les relations partenariales qu’on voudrait avoir avec eux ? »« Il faut des gens pour cultiver les relations, aux différentes échelles, comprendre le langage, on n’en a pas le temps ». « On prend, mais on apporte aussi : des expériences et tout un relationnel dans notre domaine, et dans le quartier. Ça démultiplie les interactions entre nos projets respectifs ».« Nous tout seuls, on n’aurait pas invité les Pactes Locaux, c’est un bel exemple de l’écho que le Collectif peut donner à ce qu’on fait ici ».
Quelles articulations l’action a utilisées/produites pour réussir des avancées ?
La clarification des bases sur lesquelles engager de nouvelles relations partenariales. L’année 2007/2008 a vu l’enchaînement d’une évolution dans laquelle :- Jean-Philippe Gautrais, devenant élu municipal à Fontenay sous Bois, quitte le Collectif Equitess qu’il a contribué à faire naître, pour se frotter au projet politique de sa promotion, de l’intérieur de la municipalité avec une délégation transversale dans sa définition et son projet : « l’habitat et le développement durable des quartiers ». - Joël Cacciaguerra devient l’animateur du Collectif.- Pierre Viénot est un nouvel élu à la municipalité de Fontenay sous Bois, où il occupe la première délégation à l’économie solidaire existant dans cette ville.Présent à l’atelier 3, Pierre Viénot est venu « à l’écoute », dans l’intention d’agir, en tant que conseiller municipal chargé de « cette nouvelle économie ». « Le Collectif Equitess peut être impulseur ». Le marché paysan dont il a pris l’initiative a été une réussite. Le projet de réinstaller une boulangerie est soutenu par la mairie qui explore d’autres pistes (AMAP, contacts avec Auchan, …). Vu de la municipalité le Collectif Equitess tire de la légitimité du fait d’être soutenu financièrement à différentes échelles, par le public, mais aussi le privé. « Il est à même de tenir le bon langage aux bons niveaux pour faire avancer les dossiers ».
Questions récurrentes / Effets des systèmes
Le poids des cultures (concepts) et discours techniques (emprise sur le lien entre montage des dossiers et lignes bugétaires), ne favorisent pas forcément les choix les plus judicieux dans les projets présentés. Il n’y a pas véritablement d’adéquation entre le discours, le choix et la réalité du projet lui-même.D’où l’importance des interfaces, traducteurs et relais pour les associations promotrices de projets collectifs à caractère hybride, socioéconomique, éducatif, culturel…
Quelles leçons pour démultiplier ces dynamiques territoriales à l’avenir Voir le rapport « court » présenté en plénière de l’après-midi par Pierre Viénot :L’héritage de la ville de Fontenay sous Bois (accueil de réfugiés, accueil des initiatives d’habitants), pose aujourd’hui la question de l’identité pour ses habitants, en termes de transmission et d’ouverture.L’évolution du modèle économique est engagée :vendre et gagner de l’argent, pour investir oui, sans que le profit devienne le but en soi de l’activité. Avec la question : comment fait-on pour garder la dynamique du projet sans devenir « commercial » ?Une initiative locale a besoin de s’adosser à d’autres capacités, présentes en interne, pour disposer des interfaces capables d’interpréter et de faire comprendre l’intention et la réalité du projet dans des langues techniques, sans en dénaturer la signification.Plutôt qu’obliger à respecter des cadres et des délais prescrits de l’extérieur, il importe de donner du temps au temps pour que l’initiative citoyenne grandisse de l’intérieur et déploie ses ailes à son rythme. C’est le meilleur gage de sa pérennité.
Mots-clés
a)géographiques : Commune de Fontenay sous Bois (Val de Marne) ; France Vie urbaine
b) acteurs : Collectifs d’habitants ; élus locaux ; administrations publiques
c)méthodologiques : Construction d’acteurs collectifs de la société civile ; maintien des commerces ; apport d’expertise / recherche au service de l’action
d) concepts clé : Régénération de la vie socioculturelle d’un quartier populaire par la création d’activités solidaires