études de cas
1- Présentation Mme Houngbo Julienne est membre de l’Association des caisses de financement du Bénin (ACFB) dont elle assure actuellement la présidence.
2. Quel est l’objectif principal de votre activité économique ?
L’objectif principal de l’Association est de « soulager la misère des femmes à travers le crédit l’entraide et la solidarité des membres ». Nous luttons pour le bien-être des femmes. Il y a quelques années, quand il y a une décision à prendre dans le quartier, on ne cherchait pas à consulter les femmes. Après notre inscription auprès du Ministère de l’Intérieur, notre association est devenue un interlocuteur privilégié du chef quartier dans les prises de décision.
3. et 4. Pratiquez-vous une économie différente ?si oui en quoi se différencie-t-elle de l’économie dominante ? Si non pourquoi ?
Ce que nous pratiquons au sein de l’ACFB n’est pas la course pour une richesse individuelle. En recherchant le mieux-être des femmes membres, nous avons une autre vision de la vie. La solidarité entre les membres n’est pas seulement guidée par le souci de remboursement des crédits. Il y a aussi le souci de l’instauration de la paix et l’harmonie au sein de l’Association , mais surtout au sein des ménages. Sans une ingérence dans la vie conjugale des membres, l’Association œuvre pour le maintien d’un climat de paix dans les ménages, assiste les membres en difficulté lors des échéances critiques de l’année (rentrée scolaire, fête de fin d’année, décès, réjouissance). Actuellement, on est en train de faire des tontines pour acheter des vivres à la fin de l’année et les revende. Dans chaque ACFB existe un conseil d’administration et des comités de surveillance. Pour bénéficier du crédit, les membres ont constitué par affinité des groupes de solidarité (GS) formant ce qu’on appelle « caution solidaire ». Le crédit octroyé n’est pas utilisé pour faire une activité commune à toute l’Association. En cela, notre association se démarque des groupements de production qui reçoivent le crédit en commun et entreprennent des activités communes. Nous avons aujourd’hui trois produits que nous proposons aux membres : le crédit individuel, le crédit solidaire, le crédit de Mais dans le cas où un bénéficiaire est en difficulté de remboursement, les autres membres lui apporte leur soutien.
Nous avons 4 projets à réaliser : Crédit scolarité à l’approche des rentrées, SOS santé, alphabétisation, transformation des vivres (gari amélioré, tapioca, petits gâteaux)
5. 6. et 7. D’après vous, qu’est-ce que l’abondance ? L’abondance matérielle est-elle un but ou un moyen d’atteindre quelque-chose de plus ? Qu’est-ce que c’est ce plus ?
Pour moi, celui qui a plus de biens que toi te dépasse. L’abondance symbolise une facilité à faire face aux besoins matériels et financiers, une aisance de vie, l’opulence. C’est aussi source d’orgueil. Si c’est l’abondance intellectuelle, ça m’intéresse. Mais je ne considère pas trop l’abondance en bien matériel. L’abondance en question ne saurait en aucun cas être vue comme une finalité. Elle peut permettre d’atteindre un but, un plus. Par exemple, la satisfaction des besoins vitaux est très importante. La société d’aujourd’hui a mis en place des références qui confèrent plus de considération aux personnes qui ont l’abondance. L’abondance permet d’accéder à la notoriété, à la distinction dans le milieu. Mais on n’a pas forcément besoin de l’aisance pour accéder à ces choses.
8-9-10 Quelles sont les valeurs que vous et vos compagnons pratiquez dans votre vie et dans votre travail de tous les jours ?d’après vous, est-il possible que ces valeurs prédominent un jour dans l’ensemble de la société ? Comment peut-on les généraliser ?
Au sein de l ‘ACFB, nous avons des principes qui guident nos actions et facilitent la bonne ambiance de travail. D’abord la solidarité entre les membres est très importante et s’enracine dans l’amour du prochain. La crédibilité est également une valeur que nous tâchons de cultiver. Cela part d’abord des responsables que nous sommes. Si nous ne sommes pas crédibles, les membres n’auront pas confiance en nous. Et si les membres perdent un jour leur crédibilité, c’est l’Association qui tombera car les partenaires n’auront plus confiance en nous. Nous insistons aussi et surtout sur la sincérité au niveau des couples. En fait, une femme qui n’est pas sincère avec son mari ne fait pas honneur à notre Association. Enfin , nous recherchons à faire des femmes responsable en toute chose. Ce n’est pas par hasard que nous avons gagner la confiance du chef quartier. Pour que ces valeurs s’intègrent aux pratiques des membres, nous faisons des assistances morales et financières aux personnes en difficulté. La présence physique, sans être instituée légalement comme obligatoire, l’est de fait. En effet, celui qui se limite à l’assistance financière seule lorsqu’un membre est éploré se prépare la même assistance en retour quand son tour viendra. Personne ne se peinera à aller vers lui. En matière d’assistance l’ACFB joue également le rôle de conseiller conjugal en assistant les jeunes dames dans leur vie de couple. Il est possible de voir un jour ces valeurs se généraliser . Pour y parvenir il faut l’éducation civique avec la presse comme relais de l’information. Il faut aussi des visites d’échange. Mais il faut retourner aussi à notre tradition qui est très riche en matière de valeurs. La vérité, la sincérité et la solidarité sont un héritage des temps anciens.
11- Quelles innovations avez-vous développées sous la forme d’organisation, de gestion et d’appropriation des fruits du travail ?
Nous avons associé l’animation culturelle aux vocations premières de l’Association à savoir la micro-finance. Il s’agit là d’une innovation majeure qui offrent aux femmes un couloir de loisir et de prestation de services rémunérés à coté de leur activités principales pour lesquelles elles obtiennent des crédits. De même, nous voulons sortir du cadre restreint de crédit pour offrir des services et nous rendre utiles en quelque chose à notre quartier. C’est dans ce sens que l’ACFB négocie avec la Mairie de Cotonou, un contrat d’entretien du Jardin public de Vèdoko. Les fruits du travails sont partagés entre toutes celles qui ont participé à la tâche de façon équitable. Au fur et à mesure que les activités évoluent, on divise l’intérêt par trois : 1/3 pour la caisse et 2/3 partagé entre les membres. La présidente ne garde pas les crédits des membres. Lors de la mise en place des crédits, chaque membre reçoit directement son crédit devant tous les autres. Il y a la bonne communication ; ce qui met tous les acteurs en confiance.
Considérez-vous qu’il est important de travailler dans un réseau de solidarité ou dans une chaîne productive solidaire ? En quoi consiste-t-elle selon vous ?
Oui, on souhaiterait avoir un réseau de solidarité car en restant ensemble, on peut mieux faire. Cela consiste en un partage d’expérience, de visite et d’échange.
14- Votre activité a-t-elle de l’influence sur la vie de la communauté ? Comment et dans quelles sphères ?
Nos activités notamment notre assistance aux femmes en difficultés, l’accès au crédit a permis l’instauration de la joie dans les foyers démunis ont influencé la communauté. Les enfants vont à l’école et, les parents assument plus ou moins allègrement leurs responsabilités envers eux . L’harmonie conjugale est promue dans les jeunes couples Tout ça a permis d’influencer positivement la communauté autour de nous.
15- D’après votre expérience, quelle valeur et quelle signification a-t-il dans votre vie ?
Le travail est en réalité le sang qui coule dans nos veines. C’est la valeur de l’homme. Il lui confère dignité et respect. Mon travail aujourd’hui à ACFB se démarque du trin-trin . de l’administration public. Ce n’est plus les paperasses. Je suis invitées à la mise en place des crédits, je vais faire des visites d’inspections aux groupements désireux d’intégrer notre Association, je suis les membres critiques (difficulté de remboursement) etc.. le travail est libérateur et celui qui n’a pas travaillé, n’a pas droit au salaire.
16 Rôle de la femme au sein d’une initiative économique caractérisée par la coopération et la solidarité ?
Notre association est d’abord une association de femme et comprend plus de 95% de femmes. Vous comprenez que tous les rôles clés sont joués par les femmes. Mais ai delà de cela, le rôle de la femme d’une initiative économique de solidarité. Elles sont la vie et sans elles rien n’est possible. Les femmes étant les gardiennes des valeurs que nous cultivons, elles sont très importantes.
17- Comment les politiques publiques et l’Etat peuvent-ils contribuer au progrès socio-économique ?
Je ne vois pas trop car l’Etat est avant tout capitaliste.
18- Croyez-vous que la mondialisation de la coopération et de la solidarité est possible ? Comment faire pour qu’elle devienne vraie ?
Il est difficile d’envisager de concilier la mondialisation et la solidarité. Mais il faut que la solidarité s’impose à la mondialisation.
Interview avec Mme Houngbo Julienne, réalisé par Aurélien Atidegla et Euloge Agbessi Nom de l’institution : ACFB (Association des Caisses de Financement à la Base) Lieu : Aibatin 2 Cotonou, République du Bénin Date : 22/11/2003 Contact 03BP4209 Cotonou, tel 079947