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Juillet 2009
L’économie sociale, une réponse au capitalisme financier ?
par Yan de Kerorguen, Le Monde Diplomatique

« Réconcilier l’économie et la société »... Ce principe inscrit au fronton de l’économie sociale revient à la mode. Avec l’échec du capitalisme financiarisé et la mise en cause des politiques prônant l’individualisme et le court terme, l’esprit associatif, mutualiste et coopératif est de plus en plus fréquemment évoqué. Sa mise en œuvre concrète par des milliers d’entreprises met en lumière les paradoxes d’un modèle où coexistent maraîchers solidaires et banques d’affaires, expérimentation et refondation du capitalisme.

Une banque sociale, la Shore Bank, qui veut changer le monde en ouvrant l’accès au crédit aux populations défavorisées des quartiers de Chicago, Detroit ou Cleveland ; une société coopérative, Autocool, qui propose un service d’autopartage de véhicules, accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, grâce à un réseau de stations urbaines de proximité. Une collectivité locale qui lance une coopérative pour accompagner les projets de création d’épiceries solidaires dans trois communes de l’agglomération périgourdine... Pas de doute. Les entreprises sociales et solidaires suscitent des vocations.

Les responsables politiques, qui ont longtemps ignoré, méprisé ou minimisé leur rôle en les reléguant au rayon des « accidents de l’histoire », les appellent désormais en renfort, en particulier sur le terrain du développement durable et de la solidarité. Un signe : l’inauguration, le 12 mars, d’une Ecole de l’entrepreneuriat en économie sociale, à Marseille, la première du genre en France. Même si les chiffres restent modestes, l’évolution en France du nombre de sociétés coopératives de production (SCOP) indique une dynamique : il a triplé en huit ans (mille neuf cent cinquante SCOP en 2009).

A une autre échelle, le plan d’action du président américain Barack Obama, présenté le 9 février, prévoit des investissements importants pour favoriser la création d’entreprises de ce type. Le 19 février, le Parlement européen a adopté, par cinq cent quatre-vingts voix pour (vingt-sept contre et quarante-quatre abstentions), une résolution mettant en évidence le rôle important de l’économie sociale face à la crise. Il constate ainsi que « la reconnaissance des statuts européens pour les associations, les mutuelles et les fondations est nécessaire pour garantir l’égalité de traitement des entreprises de l’économie sociale dans les règles du marché intérieur ». Une présence sur tous les continents

Mais qu’est-ce au juste que l’économie sociale ? La Commission européenne parle de « troisième système ». Certains utilisent le terme de « secteur à but non lucratif ». Il inclut en tout cas une multiplicité d’acteurs : associations, fondations, mutuelles, coopératives... S’écartant théoriquement de la logique capitaliste, dans laquelle celui qui finance décide, le projet, collectif, n’appelle pas à l’accumulation du capital. « Le profit n’est donc pas le but de ces entités, explique Mme Antonella Noya, analyste des politiques au sein du programme OCDE-LEED (1). Ce qui ne veut pas dire qu’elles ne doivent pas réaliser des bénéfices, essentiels pour assurer la stabilité financière et donc la pérennisation de la structure. »

Pour M. Thierry Jeantet, directeur général d’Euresa, un réseau européen regroupant des mutuelles et des coopératives d’assurance, « l’économie sociale a toujours été dans le marché, mais pas dans le monétaire. Ceux qui veulent l’écarteler entre le marchand et le non-marchand n’ont pas compris sa nature ».

Qu’il s’agisse des charities — organismes de bienfaisance à l’anglaise —, des organisations autogérées allemandes (Netz), des « communautés » au Brésil, ou des SCOP à la française (2), l’économie sociale est animée par des principes démocratiques qui forment une ligne de rupture avec le capitalisme, soutient M. Jeantet. « Ces règles impliquent l’épanouissement de la personne, la libre adhésion, la juste répartition de la création de richesse, l’indépendance vis-à-vis des Etats, les valeurs collectives de solidarité, la gestion équitable. » Ici, une personne égale une voix, à la différence des sociétés où une action égale une voix. Dans les SCOP, les salariés détiennent au minimum 51 % du capital et représentent au moins 65 % des droits de vote, mutualisant ainsi les risques et les grandes décisions.

Deux tendances traversent l’économie sociale. D’une part, l’« européenne », qui développe une vision de l’entrepreneuriat collectif. D’autre part, l’« américaine », plus rivée aux services et à une démarche individuelle. « Les fondations, les organisations de charité et les trusts sont la plupart du temps localisés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, confirment Ermanno Tortia et Carlo Boragaza, de l’université italienne de Trente, alors que les coopératives, organisations et sociétés mutualistes ont une tradition plus forte dans les pays européens continentaux. »

On trouve davantage de coopératives de consommateurs et de logements au Royaume-Uni et en Suède, où les structures de parents et de travailleurs jouent un rôle important — à hauteur de 12 % — dans le système de garderie d’enfants. En Allemagne, le troisième secteur est bien représenté par les mutuelles d’assurance. De petite taille, souvent spécialisées et territoriales, les coopératives ont trouvé un terreau fertile en Espagne et dans la péninsule italienne. Les mutuelles de santé sont particulièrement toniques en Belgique, en Irlande et aux Pays-Bas, ainsi qu’en France, où le secteur agricole est lui aussi très coopératif (neuf exploitations sur dix) ; 60 % des dépôts des Français se font dans des établissements de ce type — Banques populaires, Caisses d’épargne, Crédit agricole, Crédit mutuel... —, qui emploient cinq cent mille personnes. Mais on trouve aussi des coopératives dans l’agroalimentaire (Yoplait), dans la grande distribution (Système U, Centres Leclerc) ou encore dans l’optique (Krys ou Optique 2000). Des noms, connus, qui amènent à hausser un sourcil surpris et à se poser une question : pour le client occasionnel, quelle différence entre une enseigne coopérative et une enseigne classique ? Dans le cas du Crédit agricole, par exemple, elle ne saute pas aux yeux...

Evoquant l’exemple de deux opticiens, cet ancien franchisé de Lissac, qui a décidé d’adhérer à la coopérative Atol en achetant une part de son capital social, constate : « Les deux se ressemblent ; ils nous font profiter d’un réseau national. Mais, dans les coopératives, il y a la souplesse et la démocratie en plus. On a un droit de regard sur le fonctionnement. » Chaque adhérent, quelle que soit l’importance de son entreprise, participe à l’élection du conseil d’administration, ce qui lui permet d’avoir voix au chapitre, par exemple, sur le choix... des campagnes de promotion.

Ces entreprises « appartiennent collectivement à leurs sociétaires et ne sont ni “opéables” ni cessibles car leurs fonds propres sont impartageables, souligne-t-on à la Fédération nationale des coopératives de consommateurs (FNCC). Cette indépendance leur permet de s’engager sur le long terme comme acteurs d’un développement pérenne ». Le client d’une de ces enseignes désireux de participer à la définition des produits proposés ou de s’investir dans son fonctionnement peut le faire — mais le sait-il ? — en s’acquittant du paiement d’une part sociale. Sa voix, au cours de l’assemblée générale, sera égale à celle des autres coopérateurs.

Dans un autre registre, l’affaiblissement programmé de l’Etat-providence conduit à un transfert vers l’économie sociale de certaines missions désormais non ou mal assumées. Le Québec a ainsi mis en place, à partir de 2004, une politique en faveur des groupes de femmes, des associations pour l’environnement et des coopératives de santé. Aux Etats-Unis, les Community Development Financial Institutions (CDFI) jouent un rôle important dans la revitalisation des quartiers.

En France et dans les pays méditerranéens, le tissu associatif vient pallier, dans l’urgence, les lacunes des services publics, notamment face à l’aggravation de la crise du chômage. « L’incapacité de l’économie formelle à créer des emplois en nombre suffisamment élevé a ouvert la porte à des organisations dédiées à la création d’emplois d’insertion, emplois de court terme habituellement financés par l’Etat », souligne M. Peter Lloyd, directeur du cabinet d’étude britannique Ecotec Research and Consulting.

L’exemple de Noncello, la plus grande coopérative sociale d’Italie, avec mille salariés, s’avère particulièrement intéressant. Elle a été créée, il y a plus de vingt ans, par le Centre de santé mentale de la province de Pordenone, à l’initiative de trois psychiatres et de six patients qui venaient de quitter l’hôpital, à la suite de la fermeture, décidée par la loi, de ce type d’établissement (3). Elle forme ses salariés — chômeurs de longue durée, malades psychiatriques, anciens toxicomanes... — à la récupération de l’électroménager. Elle leur permet également d’acquérir une spécialisation dans les soins aux personnes âgées, aux enfants, aux malades d’Alzheimer, etc. Grâce à l’achat d’un laser de dernière génération, la coopérative œuvre aussi dans la découpe de composants (elle fournit le fabricant d’appareils électroménagers Zanussi). Elle a enfin participé à la restauration du théâtre de la Fenice, à Venise, et du sol du Kremlin, à Moscou. Quatre cent mille employés pour dix-huit mille six cents coopératives : on a là, en Italie, l’un des domaines les plus créateurs d’emplois. Nombre de ces coopératives investissent avec succès dans les secteurs de l’« économie verte ».

En Europe, le mouvement coopératif a défini des statuts spécifiques permettant un partenariat entre usagers, bénévoles et salariés, mais aussi entre collectivités et entreprises. Le mouvement espagnol des sociétés de travailleurs associés (sociedades laborales) a pu se développer avec vigueur grâce à la création d’un système législatif ad hoc et à l’appui des forces politiques et des pouvoirs publics. Il a permis de créer plus de dix-sept mille sociétés et cent mille emplois en quelques années. Alors que les travailleurs sont majoritaires dans le capital social de l’entreprise, aucun actionnaire, à l’exception des organismes publics, ne peut en détenir plus du tiers.

En France, la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), qui permet d’associer autour d’un même projet des acteurs multiples — salariés, bénévoles, usagers, collectivités publiques, entreprises, associations, particuliers... (on parle de multi-stakeholders (4)) —, constitue un symbole de cette ouverture. On compte actuellement cent trente-quatre SCIC dans l’Hexagone, tels Artisans du monde ou Enercoop. Elles répondent à des demandes auparavant insatisfaites et désormais rentables. Ainsi, Enercoop s’emploie à faire converger producteurs d’électricité, consommateurs et acteurs du domaine des énergies renouvelables. « Les bénéfices de la coopérative seront réinvestis dans la maîtrise de l’énergie et les nouveaux moyens de production d’électricité renouvelable », expliquent les dirigeants de la société (5). N’importe qui peut devenir sociétaire en souscrivant au minimum une part de capital, laquelle donne droit à une réduction d’impôts de 25 % du montant souscrit. Capital verrouillé, dividendes plafonnés

Les nouvelles législations incitent à inclure le champ des coopératives dans un ensemble plus large, mais moins distinct du modèle économique dominant : celui des « entreprises sociales ». « La différence, c’est que ces dernières sont à but lucratif, fait observer Mme Noya. Mais elles s’inspirent des mêmes valeurs. Dans certains pays, elles bénéficient de ce statut à condition de poursuivre des objectifs d’intérêt général et l’amélioration du bien-être individuel et collectif. » C’est le cas au Royaume-Uni avec les Community Interest Companies (CIC), ciblées sur la satisfaction des besoins au niveau local. Le capital en est verrouillé et les dividendes sont plafonnés.

Ces entreprises ont souvent pour projet de décentraliser le pouvoir, d’inventer de nouvelles formes de travail et de privilégier le capital social plutôt que le capital financier. Illustration en est fournie par l’américain Better World Telecom (BWT), un fournisseur d’accès à Internet. BWT consacre 1 million de dollars par an au financement de sa fondation jusqu’en 2010, et 3 % de ses revenus sont versés à l’aide à l’enfance, à l’éducation et à l’environnement, sous forme de dons (6). Bien que ses serveurs informatiques utilisent une énergie d’origine éolienne, l’entreprise entend proposer à ses clients des tarifs beaucoup moins élevés que ceux des majors des télécoms.

Dans cette mouvance, le réseau Ashoka, une association néophilanthropique internationale née en 1980 en Inde, sélectionne et soutient des innovateurs dont l’activité peut changer la vie des populations dans des domaines variés. Ashoka compte aujourd’hui plus de deux mille entrepreneurs dans le monde, qui échangent leurs idées, expériences et « bonnes pratiques ».

Si, pour certaines, ces entreprises « innovantes » s’inscrivent dans une évolution naturelle de l’économie sociale, pour d’autres, leur fonctionnement n’a rien de démocratique, le capital demeurant central. « Ce système intermédiaire de “capitalisme social” permet au capitalisme de paraître plus éthique », estime M. Jeantet.

Y aurait-il donc, d’un côté, les « purs » de l’économie sociale et, de l’autre, des leurres ? Par ailleurs, les coopératives et autres mutuelles sont-elles si vertueuses que cela ? L’évolution de certaines d’entre elles montre que non. Il est parfois difficile de faire la distinction entre telle grande coopérative et une société multinationale. Dans le monde de la banque, l’exposition aux produits toxiques liée à la tourmente financière mais aussi la question des rémunérations des dirigeants en ont fourni l’illustration. Devenues d’imposantes « machines » dirigées par des permanents, certaines coopératives ont échappé au contrôle de leurs adhérents. Des dirigeants peu scrupuleux ont été nommés par souci d’« efficacité », avec comme principal objectif de jouer « dans la cour des grands » à coups de fusions, de filialisations et d’absorptions. Des mutuelles, comme le Crédit mutuel ou le Crédit agricole, sont allées chercher des outils financiers risqués pour se développer. Lors de l’assemblée générale des actionnaires de Crédit agricole SA, le 19 mai 2009, des actionnaires ont ainsi montré leur mécontentement sur la baisse du dividende, et leur « écœurement » sur les avantages en nature des dirigeants. Les Banques populaires, que l’on ne suspectait pas d’affairisme, compte tenu de leur histoire — elles furent créées par des artisans —, mais à qui l’on attribuait plutôt une gestion « de bon père de famille » à l’origine de leur succès, ont été entraînées dans la spirale de l’argent décomplexé. Tout comme les Caisses d’épargne, qui se sont lancées dans la course au gigantisme en mettant sous le boisseau leur statut coopératif et leur vocation de proximité. Les deux coopératives ont donné naissance à Natixis, dont elles contrôlent, à parité, 71,5 % des actions. Ce nouveau-né se révélera friand de produits financiers « toxiques » (7). « Le risque est d’y laisser son âme »

Ces tentations ne sont pas uniques dans le monde de l’économie sociale : tout n’est pas pur sucre ni couleur café sous le ciel du commerce équitable. Le principe de départ, visant à structurer des relations équilibrées entre consommateurs et producteurs, et fondé sur une juste rémunération du travail des paysans des pays en voie de développement, a été quelque peu malmené, du moins si l’on en croit Frédéric Karpyta. Dans La Face cachée du commerce équitable (Bourin Editeur, 2009), le journaliste s’interroge : le commerce équitable peut-il rester vertueux si, pour assurer des débouchés aux petits producteurs de café, de riz ou de coton, il choisit de faire affaire avec les mastodontes de la distribution (8) ?

En réponse, les responsables de Max Havelaar justifient leur stratégie par la démocratisation des produits éthiques. Les ventes du commerce équitable ont en moyenne progressé de 20 % par an depuis 2000. On trouve ce type de produits dans plus de cinquante mille supermarchés et plus de deux mille huit cents boutiques spécialisées. « Le risque est d’y laisser son âme et de créer une dépendance des petits producteurs, sous prétexte de leur ouvrir de plus grands marchés », soutient Karpyta. Des acteurs comme Artisans du monde préfèrent rester en marge.

Dans son livre Repenser la solidarité (Presses universitaires de France, 2007), le sociologue Serge Paugam invite à revoir cette notion. Plusieurs réseaux illustrent cette volonté de valoriser les systèmes d’entraide. Parmi eux, le Réseau intercontinental de promotion de l’économie sociale et solidaire (Ripess). Ses initiateurs animent des structures nationales, notamment le Grupo Red d’Economía Solidaria du Pérou, le Groupe d’économie solidaire du Québec et le Groupe sénégalais d’économie sociale et solidaire.

Pour Mme Noya, il existe « une marge énorme pour la créativité dans le domaine de l’innovation financière. La Fiducie du Chantier de l’économie sociale, au Canada [Québec], offre des prêts sans remboursement de capital avant quinze ans ». Finances solidaires, Bourses sociales, capital patient, social banking, pair à pair bancaire sur le Web : autant de nouveaux modes de placement pour lesquels les investisseurs n’attendent pas un retour financier rapide. Grâce à Internet, ces réseaux surfent sur la multiplication des possibilités d’échange.

L’économie sociale restera-t-elle marginalisée ou est-elle appelée à devenir le socle d’une économie durable ? Selon les organisations de solidarité internationale issues de la migration (OSIM), les flux migratoires vont, dans les années à venir, changer la donne en faveur du codéveloppement. Les pays émergents, eux, n’attendent pas. Au Brésil, une bonne partie de l’insuffisante réforme agraire passe par l’économie sociale, au sein de laquelle vingt mille coopératives sont très actives. L’élection de l’ex-syndicaliste Luiz Inácio Lula da Silva à la tête du pays mais surtout l’action du Mouvement des sans-terre (MST) y sont pour quelque chose.

L’organisation des paysans à travers le MST a permis de mieux gérer la production, la transformation et la commercialisation des produits. Elle a également facilité la diffusion des services de base en milieu rural (santé, éducation, etc.), la revalorisation culturelle des campagnes mise à mal par le « tout urbain », l’agriculture biologique, la protection des semences et des variétés locales. Sans parler de la participation accrue des paysans et des ruraux aux décisions.

Dans les pays de l’Europe orientale, où la période de transition a donné à l’économie sociale une orientation « société civile », l’évolution du secteur n’a pas été simple, l’idée de coopérative étant rejetée du fait de son utilisation pendant l’ère communiste. Des mutuelles de santé sont néanmoins en voie de création en Pologne et en Slovénie.

Dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le rééquilibrage du social et de l’économique constitue aussi un enjeu essentiel. L’« écodéveloppement » théorisé par l’économiste Ignacy Sachs y devient un enjeu reconnu. Mais il faudra gagner en crédibilité sans perdre de vue la finalité du modèle. Cette économie a « constamment besoin de faire le point sur elle-même pour mieux se projeter dans le futur et réaffirmer clairement son rôle d’alternative globale, insiste M. Jeantet. Sa vraie liberté, c’est d’être un projet politique. Ce n’est pas seulement une myriade d’entreprises dans le monde mais un modèle structurant de la société ».

Des dialogues entre acteurs internationaux sont organisés pour lui permettre de gagner en reconnaissance politique. Réunis à l’occasion du dernier sommet des Rencontres du Mont-Blanc, en 2007, les dirigeants ont invoqué un « new deal planétaire » et appelé à un véritable dialogue social dans les grandes instances de régulation mondiales (9). Des dizaines de projets horizontaux et de jumelages existent déjà, par exemple, entre femmes guinéennes et népalaises pour trouver des formes d’énergie nouvelles. Des associations d’Amérique latine et d’Afrique du Sud travaillent ensemble. Des coopérations dynamiques naissent en Colombie avec le soutien du consortium de coopératives sociales italiennes CGM.

L’économie sociale ne chôme pas. Constitue-t-elle une alternative au capitalisme ? Comme le sous-tend M. Jeantet, « elle ne réglera pas le fardeau de la dette des Etats. Elle ne résoudra pas les crises répétées des réserves internationales... Il serait ridicule de penser qu’elle va être un miraculeux opérateur mondial ». A elle de prouver qu’elle peut jouer un rôle original. Yan de Kerorguen.

Banque, Capitalisme, Économie, Entreprise, Solidarité

Yan de Kerorguen Article du Monde Diplomatique

Cofondateur de Place-Publique.fr, auteur de La Mer, le prochain défi, Gutenberg, Paris, 2009.

(1) Organisation de coopération et de développement économiques - Développement économique et création d’emplois au niveau local.

(2) Lire Cécile Raimbeau, « Des travailleurs “récupèrent” leurs entreprises », Le Monde diplomatique, décembre 2007.

(3) Une loi-cadre, votée en 1991, octroie aux coopératives un mandat les habilitant à s’occuper d’insertion.

(4) Le vocabulaire managérial oppose les shareholders (actionnaires) aux stakeholders (littéralement « dépositaires d’enjeux », ou « parties prenantes »). Ces derniers sont des salariés, clients, autorités locales, associations, etc., impliqués dans la marche d’une entreprise.

(5) Le site Internet d’Enercoop.

(6) On ajoutera que BWT participe à la plantation de mille arbres par mois « pour sauver la planète » en précisant toutefois que ce genre d’opération est devenue la tarte à la crème de la « prise de conscience écologique ».

(7) Natixis a été l’établissement français le plus touché par la crise des subprime, accusant une perte nette de 2,8 milliards d’euros en 2008 et de 1,8 milliard d’euros au premier trimestre 2009. Une plainte a été déposée par de petits actionnaires.

(8) Lire Christian Jacquiau, « Max Havelaar ou les ambiguïtés du commerce équitable », Le Monde diplomatique, septembre 2007.

(9) Les 4es Rencontres du Mont-Blanc se tiendront les 9 et 10 novembre, à Chamonix-Mont-Blanc, autour du thème : « Comment nourrir la planète ? Quel rôle pour l’économie sociale ? ».